Il ne pouvait pas avoir meilleure idée pour s’attaquer à la Planète bleue. Donald Trump a signé le jeudi 24 avril un décret destiné à ouvrir l’extraction à grande échelle de minerais dans les fonds océaniques, y compris dans les eaux internationales.
Cette mesure est à la fois une remise en cause de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), théoriquement compétente en haute mer, et une mise en péril de la lutte pour la protection des océans.
L’initiative doit permettre de collecter un milliard de tonnes de matériaux en dix ans, a indiqué un haut responsable américain. Comme le rappelle le New York Times, certaines parties du plancher océanique regorgent de minéraux précieux tels que le nickel, le cobalt et le manganèse, qui sont essentiels pour les technologies de pointe.
Un domaine dans lequel les États-Unis se sentent menacées par la Chine, qui contrôle de plus en plus les chaînes d’approvisionnement.
L’AIFM a juridiction sur les fonds marins des eaux internationales, en vertu d’accords que les États-Unis n’ont, néanmoins, jamais ratifiés.
Mesure anachronique
Précisément, le texte demande au secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, « d’accélérer l’examen » de candidatures « et la délivrance de permis d’exploration et d’extraction » de minéraux « au-delà des juridictions » américaines. Il saisit également le ministre de l’Intérieur, Doug Burgum, pour en faire de même pour les eaux territoriales.
Le décret enjoint également le secrétaire au Commerce de préparer un rapport sur « la faisabilité d’un mécanisme de partage » du produit des fonds marins.
« En se lançant dans l’extraction minière en eaux internationales, à contrepied du reste du monde, le gouvernement ouvre la voie à d’autres pays pour en faire de même », a réagi Jeff Watters, vice-président de l’ONG Ocean Conservancy, dans un communiqué.
« Et cela aura des conséquences négatives pour nous tous et pour les océans dont nous dépendons », a-t-il prévenu.
Preuve du côté anachronique de cette mesure, du côté de l’Europe, le Portugal a récemment voté en faveur d’un moratoire interdisant l’exploitation minière des grands fonds sous-marins de ses eaux territoriales jusqu’en 2050.
Tandis qu’en France, Nice accueillera du 9 au 13 juin prochain la troisième conférence des Nations unies sur l’océan.
Le décret de Donald Trump demande aussi à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) d’accélérer l’octroi de permis aux entreprises pour l’exploitation minière dans les eaux internationales et les eaux territoriales américaines.
« La NOAA est chargée de protéger, et non de mettre en péril, l’océan et ses avantages économiques, notamment la pêche et le tourisme. Or, les scientifiques s’accordent à dire que l’exploitation minière en eaux profondes est une entreprise extrêmement dangereuse pour notre océan et pour tous ceux qui en dépendent », s’inquiète Jeff Watters à la radio néo-zélandaise RNZ.
Nodules polymétalliques
Aucune extraction minière commerciale n’a encore eu lieu dans les fonds marins, aux États-Unis ou ailleurs. Certains États ont, en revanche, déjà octroyé des permis d’exploration dans leurs zones économiques exclusives, notamment le Japon et les îles Cook.
Le gouvernement Trump estime que l’extraction minière en eaux profondes pourrait créer 100 000 emplois et augmenter de 300 milliards de dollars le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis, sur 10 ans toujours, a indiqué un responsable. « Nous voulons que les États-Unis devancent la Chine dans ce domaine », a expliqué cette source.
L’extraction concerne principalement les nodules polymétalliques, des sortes de galets ou roches en forme de pommes de terre posés sur les fonds marins, riches en minéraux comme le manganèse, le nickel, le cobalt, le cuivre ou les terres rares. Ces dernières sont des métaux aux propriétés magnétiques très prisées pour les véhicules électriques, panneaux solaires, mais aussi smartphones et ordinateurs portables.
« Les États-Unis font face à un défi économique et de sécurité nationale sans précédent, à savoir la sécurisation de leurs approvisionnements en minéraux critiques sans en passer par des adversaires étrangers », fait valoir le décret.
L’entreprise canadienne The Metals Company (TMC) a annoncé en 2025 son intention de contourner l’AIFM en demandant prochainement le feu vert des États-Unis pour commencer à exploiter des minerais en haute mer.
De nombreuses organisations de défense de l’environnement s’opposent à l’extraction minière qu’elles accusent de menacer gravement l’écosystème marin.
Source: Avec Huffpost